Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

monde diplomatique - Page 2

  • La santé à la casse

    Dossier du" Monde diplomatique" de février 2024

    Tout juste nommé le 8 février, le nouveau ministre délégué à la santé, M. Frédéric Valletoux, doit répondre à la situation désastreuse des hôpitaux publics révélée par une démarche unanime et inédite de leurs responsables. À l’instigation de leurs directeurs, les centres hospitaliers universitaires (CHU) ont lancé un cri d’alarme devant la « dégradation brutale et préoccupante » de leur situation financière. Le déficit cumulé des trente-deux CHU de France a atteint 1,2 milliard d’euros à la fin de l’année 2023 (trois fois plus que celui constaté fin 2022) tandis que la capacité d’autofinancement et d’investissement de ces établissements a chuté de 86 %. Dans une initiative sans précédent, les conférences des directeurs généraux, des doyens des facultés de médecine et des présidents de commission médicale d’établissement ont uni leurs voix pour alerter solennellement les pouvoirs publics sur les conséquences de l’inflation, les moyens insuffisants pour financer les investissements prévus par le Ségur de la santé (2020) et la baisse de leurs recettes consécutives aux fermetures de lits après la crise du Covid-19.

    À l’issue de leurs conseils de surveillance qui se sont tenus en janvier, tous les grands hôpitaux ont voté des motions appelant à la compensation des « chocs exogènes » comme l’inflation et soulignant la nécessité de rétablir un modèle économique pour sauvegarder leurs établissements qui jouent un rôle central dans la chaîne des soins. Les présidents de ces CHU – qui sont aussi les maires des principales villes de France – ont écrit le 29 janvier dernier au nouveau premier ministre pour qu’il apporte des solutions à cette situation financière dramatique. Comme le montre notre dossier du mois de février, la casse dans le système de santé français vient de loin.

    Lire la suite

  • Un fragile corridor contre la faim

    Extraits de l'article du "Monde diplomatique" du 18.07.2023.

    Il n’y a plus de corridor céréalier en mer Noire. Moscou a annoncé ce lundi la non prolongation de l’accord conclu il y a un an avec l’Ukraine, sous la supervision des Nations unies et de la Turquie. Le passage maritime sécurisé permettait l’exportation des produits agricoles ukrainiens à partir des ports de la région d’Odessa. Comme le rapportait le numéro de mars, le chef des affaires humanitaires à l’ONU avait exprimé son inquiétude dès ce début d’année : « Le blocage des expéditions [par les pays occidentaux] d’engrais russes, tout aussi indispensables pour l’agriculture mondiale, menace cet arrangement temporaire ». Désormais, c’est la réintégration de la banque agricole russe Rosselkhozbank au sein du système de règlements bancaires Swift que réclame Moscou.

    Cest la géopolitique ! » À la mi-février, les cours mondiaux des céréales connaissent un brusque envol et les traders n’ont qu’une explication : la guerre en Ukraine et le bras de fer entre les pays occidentaux et la Russie sont responsables de cette flambée. Bien sûr, il y a la vigueur du dollar qui pousse à la hausse toutes les matières premières. Il y a aussi la sécheresse en Europe et le manque de manteau neigeux protecteur dans de nombreux champs céréaliers en Amérique du Nord qui pourraient occasionner des récoltes décevantes. Mais le facteur géopolitique primerait. Sur le marché Euronext, la tonne de blé frôle alors les 300 euros. Si les prix sont encore loin du record de 400 euros atteint en mars 2022 au lendemain de l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe (ils avaient ensuite reflué autour de 250 euros), cette nouvelle tendance haussière inquiète les acheteurs parmi lesquels les grands importateurs, notamment la Chine et les pays d’Afrique du Nord. Un point majeur retient l’attention des opérateurs : l’avenir du corridor céréalier en mer Noire.

    Lire la suite

  • Mourir à Jénine

    Extraits de l'article du "Monde diplomatique", par Olivier Pironet, 14 mai 2022.

    Shirine était notre voix. (...) De toute évidence, il s’agit d’un crime délibéré et ciblé » (1), affirme Mme Khalida Jarrar, députée du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP, marxiste), elle-même plusieurs fois emprisonnée par Israël ces dernières années en raison de ses activités politiques. « [C’est] un meurtre flagrant, en violation des normes et du droit international, [elle] a été assassinée de sang-froid par les forces d’occupation israéliennes » dans le but d’« empêcher les médias d’accomplir leur travail » (2), déplore de son côté la direction d’Al-Jazira, où elle officiait depuis 1997. Tous les Palestiniens pleurent la mort de Shirine Abou Akleh, une célèbre journaliste de 51 ans, issue d’une famille chrétienne de Jérusalem, qui couvrait le conflit israélo-palestinien depuis ses débuts sur la chaîne qatarie et était devenue avec le temps une des figures familières de son pays à la télévision. Elle a été tuée le 11 mai, à l’aube, lors d’une incursion lancée par les troupes de Tel-Aviv à Jénine, où le premier ministre israélien Naftali Bennett a donné « carte blanche » à son armée après une série d’attaques isolées menées par des Palestiniens qui ont fait 18 morts en Israël depuis le 22 mars et dont certains assaillants venaient de cette grande ville du nord de la Cisjordanie.

    D’après les éléments fournis par ses collègues et confrères présents sur place au moment des faits et le récit de témoins oculaires, Shirine Abou Akleh a perdu la vie après avoir été sciemment visée au visage par un sniper israélien alors qu’elle se trouvait aux abords du camp de réfugiés de Jénine où elle avait été dépêchée avec son équipe. Son collègue Ali Al-Samoudi qui l’accompagnait a reçu, lui, une balle dans le dos et a dû être hospitalisé (ses jours sont hors de danger). D’après sa consœur Shatha Hanaysha, qui était également aux côtés de la journaliste ce mercredi, les forces israéliennes « ont continué à faire feu bien qu’elle gisait au sol. Je ne pouvais même pas tendre le bras pour la saisir et la ramener vers moi car les balles fusaient. Il ne fait aucun doute que l’armée [israélienne] tirait pour tuer » (3)

    Lire la suite

  • Inoxydable monarchie britannique

    Extraits de l’article du Monde Diplomatique par Lucie Elven 

    Après l’Écosse, l’Irlande du Nord et le Pays de Galles, le nord de l’Angleterre connaît à son tour un mouvement en faveur de l’indépendance. Tensions nationalistes, chaos parlementaire à l’occasion du Brexit, fiasco de la lutte contre le Covid-19 : la tempête semble tout emporter au Royaume-Uni. Tout, sauf la Couronne, qui continue à offrir un sentiment de cohésion à une majorité de Britanniques.

    (...)

    Une enseigne des plus lucratives

    Sur la scène internationale, également, la monarchie britannique perd de son lustre. Il y a quelques années, des voix se sont élevées pour réclamer que, à l’issue du règne d’Élisabeth II, la direction du Commonwealth  soit assurée en rotation par chacun de ses membres, ou par une figure politique reconnue, avant que la reine ne réussisse à imposer la succession de Charles à son poste. Seuls une vingtaine de pays et de territoires  devront un jour remplacer son portrait sur leurs billets de banque. Plus de la moitié des États du Commonwealth — 31 sur 54 — sont à présent des républiques. En septembre dernier, l’île de la Barbade a décidé de retirer à la reine sa position de cheffe de l’État. L’Australie a tenu en 1999 un référendum à ce sujet, perdu de peu par les partisans d’un régime républicain. Un scrutin de même nature pourrait suivre en Nouvelle-Zélande, si l’on en croit sa première ministre Jacinda Ardern, tandis que 44 % des Canadiens se disent favorables à un divorce d’avec la Couronne britannique (contre 29 % qui souhaitent le contraire).

    Pour autant, cette machine légale et financière qu’est la maison Windsor — baptisée l’« entreprise » (« The Firm ») par le prince Philippe — n’est nullement inadaptée aux temps modernes. Elle reste l’une des enseignes les plus lucratives du monde.

    (...)

    Championne de l’évitement fiscal

    La maison Windsor domine une culture grâce à laquelle les codes de classe les plus raffinés, du majordome à l’étiquette des discours, sont devenus une spécialité nationale. L’industrie de l’héritage royal, en monétisant le passé et en inventant des traditions, emploie plus de travailleurs que la pêche et l’industrie minière réunies . Elle est source de produits culturels variés et profitables, comme les films The Queen (2006) et Le Discours d’un roi (2010), ou encore la série Netflix The Crown (lancée en 2016). Chaque fois, l’acteur ou l’actrice qui interprète le monarque reçoit une pluie de récompenses prestigieuses, comme si le fait de jouer un roi ou une reine représentait un exploit plus remarquable que d’incarner n’importe quel autre être humain, et comme pour donner un surcroît de sens à une institution qui, de manière plus ou moins ambiguë, en revêt déjà beaucoup.

    Chaque année, la famille royale coûte au pays 67 millions de livres (75 millions d’euros). Elle pratique l’évitement fiscal au moyen d’exemptions  et de drainages vers des places offshore . La caution signée à un clan aristocratique qui maîtrise tous les circuits de la finance a rendu la City de Londres plus attractive encore pour les évadés fiscaux du monde entier, contribuant à la hausse vertigineuse des prix et des loyers dans la capitale. En principe, la reine possède un sixième de toutes les terres de la planète. Au cours d’un récent débat parlementaire sur l’industrie des éoliennes en mer, M. Johnson a qualifié le portefeuille immobilier de la monarchie, le Crown Estate, de « maître des fonds marins » (14 octobre 2020). Le moratoire sur les expulsions locatives décrété par le gouvernement pour faire face à la crise du Covid-19 a été levé en septembre, menaçant de jeter à la rue 55 000 ménages. La même semaine, on a appris que le contribuable allait verser au Crown Estate une généreuse rallonge pour compenser en partie les 500 millions de livres sterling de pertes de recettes enregistrées dans la gestion de son parc immobilier en raison de la pandémie.

    Et pourtant, au milieu des empoignades qui ont bouleversé le pays ces dernières années, au sujet du Brexit et de l’indépendance écossaise, si étroitement liés à la question de sa souveraineté, la monarchie échappe aux regards.

    img004-23-b8bb9.jpg?1606672115

    Justin Mortimer. — « HM the Queen » (Sa Majesté la reine), 1997

  • L’indigestion qui vient

    Extraits de l'article de Benoît Bréville dans "Le Monde Diplomatique"

    Une carcasse artificielle tombe sur la chaîne de production d’une usine aseptisée. Recouverte par une épaisse pâte blanche sortie d’un bras métallique, elle passe ensuite par une machine qui lui donne l’aspect d’un poulet bien en chair auquel on aurait coupé la tête et les pattes. Quelques pulvérisations de colorant plus tard, la volaille est empaquetée, prête à être vendue. Extraites de L’Aile ou la Cuisse, un film populaire dans lequel Louis de Funès interprète un critique gastronomique en guerre contre un géant de la restauration collective, ces images présentaient en 1976 un caractère saugrenu, propre à susciter l’hilarité.

    Lire la suite

  • Grand marché transatlantique

    Le Grand Marché Transatlantique constitue "l'avancée" majeure que les libéraux attendent pour relancer l'économie européenne et mondiale. Ce projet de traité qui est négocié actuellement entre les États-Unis et l'Union Européenne se résumerait dans les faits par une mainmise quasi absolue des multinationales au détriment des gouvernements élus.

     La régression démocratique proposée se traduirait en particulier par le recours facilité au tribunaux arbitraux privés, dont on connait les "avantages" depuis l'affaire Tapie.

    Le "Monde Diplomatique" consacre un dossier constitué d'articles récents relatifs à ce traité, en voici l'introduction :

    Les élections européennes de mai 2014 ont témoigné du rejet grandissant qu’inspirent les politiques mises en œuvre sur le Vieux Continent. La réponse de Bruxelles à ce désaveu populaire ? Hâter la conclusion d’un accord négocié en secret avec Washington, le grand marché transatlantique (GMT). La croissance stagne, le chômage progresse et les inégalités s’envolent : les gouvernants occidentaux en déduisent que l’heure est venue de consacrer la supériorité du droit des multinationales (à dégager davantage de profits) sur le devoir des Etats (à protéger leurs populations). Mais rien n’est encore joué…

     

    Lire la suite

  • Choisir ses combats

    Extraits de l'article de Serge Halimi du Monde Diplomatique (février 2015)

    Août 1914 : l’union sacrée. En France comme en Allemagne, le mouvement ouvrier chancelle ; les dirigeants de la gauche politique et syndicale se rallient à la « défense nationale » ; les combats progressistes sont mis entre parenthèses.

    Difficile de faire autrement alors que, dès les premiers jours de la mêlée sanglante, les morts se comptent par dizaines de milliers. Qui aurait entendu un discours de paix dans le fracas des armes et des exaltations nationalistes ? En juin, en juillet peut-être, il restait possible de parer le coup.

    (...)

    Un dessinateur est-il libre de caricaturer le prophète Mohammed ? Une musulmane, de porter la291113_114613_PEEL_aT2gmg.gif burqa ? Et les juifs français, vont-ils émigrer plus nombreux en Israël ? Bienvenue en 2015... La France se débat dans une crise sociale et démocratique que les choix économiques de ses gouvernements et de l’Union européenne ont aggravée. Les thèmes de l’arraisonnement de la finance, de la répartition des richesses, du mode de production ont enfin pris racine dans la conscience publique. Mais, à intervalles réguliers, les questions relatives à la religion les relèguent au second plan . Depuis plus de vingt ans, l’« islam des banlieues », les « insécurités culturelles », le « communautarisme » affolent les médias comme une partie de l’opinion publique. Des démagogues s’en repaissent, impatients de gratter les plaies qui leur permettent d’occuper la scène. Tant qu’ils y parviendront, aucun des problèmes de fond ne sera débattu sérieusement, même si presque tout le reste découle de leur solution.

    (...)

    Mais soyons modestes. Nos grosses clés n’ouvrent pas toutes les serrures. Nous ne sommes pas toujours en mesure d’analyser l’événement séance tenante. S’arrêter, réfléchir, c’est prendre le risque de comprendre, de surprendre et d’être surpris. Or l’événement nous a surpris. La réaction qu’il a suscitée, aussi. Jusqu’à présent, les Français ont tenu le choc. En manifestant en masse, dans le calme, sans trop céder aux discours guerriers de leur premier ministre Manuel Valls. Sans s’engager non plus291113_115110_PEEL_raJBek.gif dans une régression démocratique comparable à celle que les Etats-Unis ont vécue au lendemain des attentats du 11 septembre 2001 — même s’il est inepte autant que dangereux de condamner des adolescents à des peines de prison ferme au seul motif de propos provocateurs.

    Nul ne peut imaginer cependant les conséquences éventuelles d’une nouvelle secousse du même ordre, a fortiori de plusieurs. Parviendraient-elles à enraciner une ligne de fracture opposant entre elles des fractions de la population qui se détermineraient politiquement en fonction de leur origine, de leur culture, de leur religion ? C’est le pari des djihadistes et de l’extrême droite, y compris israélienne, le péril immense du « choc des civilisations ». Refouler cette perspective réclame non pas d’imaginer une société miraculeusement apaisée — comment le serait-elle avec ses ghettos, ses fractures territoriales, ses violences sociales ? —, mais de choisir les combats les plus susceptibles de porter remède aux maux qui l’accablent. Cela impose, d’urgence, une nouvelle politique européenne. En Grèce, en Espagne, le combat s’engage...